CAS D’ÉTUDE

Le Goût

1749

Titre Le Goût
Lieu de conservation Versailles, Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon (MV 6226)
Datation 1749
Signature non
Dimensions 144 x 75 cm
État conservation support Rentoilé
Couleur de la préparation Rouge
Nature liant couche picturale
Nombre d’interventions /

restaurations recensées

Au moins 2
Analyses physico-chimiques non
Photographies disponibles Neuf photographies en lumière réfléchie.

Une photographie en lumière rasante.

Deux photographies sous infrarouge dont une fausse couleur.

Une photographie en fluorescence ultra-violette.

Une radiographie non numérisée.

Contexte commande

 

Le Goût fait partie d’un ensemble de cinq tableaux traitant des cinq sens. Le cycle fut exécuté en 1749 pour le cabinet intérieur des appartements de la reine Marie Leszczynska. La commande fut payée 2500 livres (ajouter réf.). L’ensemble fut probablement retiré de la pièce lorsque Marie-Antoinette en modifia le décor.

 

Description iconographique et œuvres en lien

 

Peints pour décorer une pièce sans fenêtre, les paysages des Cinq sens se démarquent par leur luminosité et par la clarté des couleurs employées. Chaque panneau décline un large ciel clair, animé par un cours d’eau et par des arbres. Les arrière-plans et les actions des personnages varient selon le sujet traité. Le Goût est symbolisé par une scène de déjeuner, après un retour de pêche. Le long d’une berge, trois hommes s’apprêtent à déguster le résultat de leur pêche, mise à cuire sur la braise, tandis que les filets sèchent sur un arbre. Debout à leurs côtés, une femme porte un panier rempli de poissons. L’influence néerlandaise, en particulier de Nicolaes Berchem, a été avancée à plusieurs reprises (Opperman et Rosenberg, 1982, p. 248 ; Salmon, 2011, p. 82). Outre le traitement du paysage, l’héritage de la peinture flamande et hollandaise du XVIIe siècle se lit dans la figure du buveur, évoquant les scènes de genre d’Adriaen Brouwer ou de Frans Hals. Enfin, le choix de mettre en scène des figures de petite taille au sein de paysages lumineux s’explique par les conditions particulières de la commande. Dans un premier temps, elle est confiée à Jean-Baptiste Marie Pierre. En mars 1749, Lenormant de Tournehem, le Directeur des Bâtiments du Roi, informe Pierre des exigences de la Reine : quatre tableaux devront traiter des quatre saisons et le dernier figurera une veillée au village. Dès le mois de mai de la même année, les cinq tableaux prennent place dans le cabinet, mais sont enlevés six mois plus tard, Marie Leszczynska jugeant les figures trop fortes pour un lieu aux dimensions si réduites. (Les Quatre saisons de Pierre se trouvent aujourd’hui à Fontainebleau, Inv. F. 2005.1-4. La Veillée au village est considérée comme disparue). C’est alors qu’Oudry hérite de la commande et réalise l’ensemble des cinq panneaux sur le thème des cinq sens.

Œuvres en rapport : il existe une copie anonyme du Goût, 208 x 118 cm, Vente Drouot Richelieu, 10 avril 2002, lot 45.

 

Parcours patrimonial

 

Documenté à partir du dossier d’œuvre du Musée national du château de Versailles (MV 6226).

 

NB : Même si nous ne disposons que peu d’informations sur les restaurations et interventions passées et antérieures au XXe siècle, il est possible de retracer le parcours des œuvres. Il est intéressant de noter que les cinq panneaux ont été conservés ensemble et partagent en grande partie la même histoire matérielle.

 

L’ensemble est probablement retiré de la pièce lorsque Marie-Antoinette en modifie le décor. Les cinq tableaux sont mentionnés en 1784 en réserve dans les magasins de la surintendance à Versailles (Louis Durameau, Inventaire des tableaux du Cabinet du Roi, placés à la Sur-Intendance des Batimens de Sa Majesté à Versailles, fait en l’année 1784 par l’ordre de Monsieur Le Comte d’Angiviller […], Tome second, BCMN MS 31, p. 12). Au XIXe siècle, ils sont localisés à la Manufacture de tapisseries de Beauvais dans l’inventaire Frédéric Villot. Vraisemblablement, ils servent de cartons pour des feuilles de paravent et sont modifiés afin d’être mis au rectangle. Au début du XXe siècle, les tableaux sont localisés dans les mansardes de la Manufacture de tapisseries de Beauvais.

Dans une lettre du 18 mars 1935, la direction du Musée de Versailles fait par de son intention de replacer les Cinq sens dans les cabinets de Marie Leszczynska, avec la copie de la Ferme. En novembre 1935, la Manufacture des Tapisseries de Beauvais envoie les panneaux pour un dépôt à Versailles (Comité du 21 novembre 1935). En 1936, ils sont enfin accrochés dans le petit salon de repos de Marie-Antoinette, à côté de la Ferme de Marie Leszczynska (copie d’après Oudry). (La Revue de l’Art ancien et moderne, dir. André Dezarrois, Paris, 3e période, t. LXX, n° 372, juillet 1936, p. 115)

En 1959, la fiche de santé localise le groupe dans les petits appartements de la reine, dans la Chambre des Bains.

En 1987, ils sont placés en réserves.

Les étiquettes au revers du panneau indique que le Goût aurait participé à l’exposition Splendors of Versailles, Missipi Ars Pavillon (1er avril-31 aout 1998).

En 2011, le Goût et les quatre autres sens sont présentés dans l’exposition « Parler à l’âme et au cœur. La peinture selon Marie Leszczynska » au château de Fontainebleau [château de Fontainebleau, 18 juin-19 septembre 2011. (n° 7 à 11)].

Entre 2013 et 2014, les Cinq sens sont montrés au château royal de Varsovie pour l’exposition « Le Versailles de Marie Leszczynska. L’art à la cour de France au XVIIIe siècle » [ Varsovie, 20 sept 2013-5 janv 2014. (n°86 à 90)].

 

 

Constat d’état de conservation

 

Le Goût présente un bon état de conservation.

Le support toile présente une ancienne déchirure simple de 11 cm de long, verticale dans le quart inférieur senestre. Les bords de toile originaux sont coupés. Le support est par ailleurs rentoilé. La toile de rentoilage, en lin, de couleur claire, présente une armure toile (18 x24 fils au cm²). Il s’agit vraisemblablement d’un rentoilage à la colle de pâte.

Le format actuel n’est pas original. Il semble qu’il ait été modifié au moins deux fois avant l’intervention de restauration de 2013. La forme chantournée en haut et cintrée en bas a d’abord été ramenée par l’ajout de pièces de toile à un format quasi rectangulaire, exceptés aux angles inférieurs . Dans la partie supérieure, trois incrustations présentent une armure toile au tissage plus fin que la toile du support original et plus lâche. La contexture est de 10 fils par 12 fils au cm². Dans la partie inférieure, on note trois incrustations de toile aux caractéristiques similaires, indiquant leur contemporanéité. Les angles inférieurs ont quant à eux été complétés avec du papier journal puis mastiqués. L’ensemble est soutenu par une toile de rentoilage, sans doute contemporaine de l’incrustation du journal.

Il demeure difficile de dater ces interventions. D’après les documents d’archives, lors de leur séjour à Beauvais, les cinq panneaux auraient été remis en rectangle. Par ailleurs, Opperman et Rosemberg signalent une restauration fondamentale avec rentoilage au début du XXe siècle, sans préciser leur source (Hal N. Opperman, Pierre Rosenberg (dir.), 1982, p. 249). Cette mention pourrait-elle correspondre à leur retour à Versailles en 1935 ?

La couche picturale offre un très bon état de conservation. Elle est cependant parcourue par un réseau de craquelures multidirectionnel, phénomène de vieillissement naturel de la peinture. Quelques manques de peinture originale, anciens, ont été notés par Cecile Gouton, restauratrice de peinture. Ils sont aujourd’hui comblés et mis au ton local.

 

Examen technologique

 

A ce jour, les informations présentées reposent sur l’exploitation exclusive des rapports de restauration. Une phase d’étude du cycle des Cinq Sens est programmée.

Le support toile original présente une armure toile et une contexture de 11 x 14 fils au cm² (vertical x horizontal). La nature précise, lin ou chanvre, n’a pu être définie. Le support est formé de deux lés de toile, assemblés horizontalement par une couture située à une trentaine de centimètres du bord supérieur.

Le format rectangulaire actuel n’est pas original. Il devait se présenter chantourné, encastré dans des boiseries.

La toile est tendue sur un châssis mobile à clés, en bois résineux à deux traverses en croix, qui n’est pas d’origine.

Les sources écrites témoignent de deux restaurations fondamentales entrainant une intervention sur le support. Au cours du XIXe siècle, lorsqu’ils se trouvaient à Beauvais, les cinq panneaux auraient été agrandis et mis au rectangle. Ce changement de format aurait occasionné des repeints  d’après l’inventaire Villot. Cette intervention pourrait correspondre aux premiers ajouts de toile notés précédemment.

Dans le catalogue de la rétrospective Oudry, l’auteur évoque le rentoilage et la restauration des peintures intervenues au début du XXe siècle, mais ne mentionne pas sa source (Hal N. Opperman et Pierre Rosenberg (dir.), 1982, p. 249).

Par ailleurs, les observations menées en cours de restauration rendent compte de différentes interventions menées par le passé pour lesquels, dans une certaine mesure, il est possible de proposer une diachronie.

Le rapport d’intervention de Cécile Gouton en 2013 rend compte de la présence d’au moins deux natures de matériaux de retouche. Au niveau de la couture, la couche superficielle, soluble à l’alcool, présenterait un liant résineux, type vernis, et aurait été appliqué dans la seconde moitié du XXe siècle. Sous cette couche, se présentaient des repeints désaccordés, indurés, partiellement solubles dans un mélange (méthyl-éthyle-cétone/eau). Lors de la restauration de 2013, une partie de ces repeints a été éliminée mécaniquement au scalpel.

 

De plus, C. Gouton note qu’un allègement sélectif a été réalisé dans le passé. Ceci expliquerait l’aspect hétérogène et irrégulier de la couche. Il apparaît que les parties claires comme le ciel et les personnages ont été allégées d’une partie de leur vernis quand l’arbre central et les parties sombres ont été laissées vernies.

 

 

 

En 2013, Chantal Bureau et C. Gouton ont procédé à la restauration fondamentale du panneau. Cette intervention a été réalisée conjointement à l’ensemble du groupe sur la demande de Juliette Trey, conservatrice des peintures du XVIIIe  siècle et sous la supervision de Claire Gerin-Pierre. La couche picturale a été consolidée ponctuellement avec une colle d’esturgeon à 4% et la toile remise dans le plan. Des bandes de tension posées à la BEVA B371 ont permis sa remise en tension. Après nettoyage, les lacunes ont été comblées et repiquées et les anciennes incrustations remises au ton.

Louis Durameau, Inventaire des tableaux du Cabinet du Roi, placés à la Sur-Intendance des Batimens de Sa Majesté à Versailles, fait en l’année 1784 par l’ordre de Monsieur Le Comte d’Angiviller […], Tome second, BCMN MS 31. http://bibliotheque-numerique.inha.fr/idurl/1/7149 [consulté le 17 janvier 2019].

 

Fichier C2RMF72181

Rapport d’intervention de restauration

– sur le support de Chantal Bureau (n°27171).

– sur la couche picturale de Cécile Gouton (n°29388).

 

Imagerie scientifique

– laj1276, lumière réfléchie après intervention, Jean-Yves Lacôte

– MAA1855, lumière réfléchie fin d’intervention, Anne Maigret

– MAA1856, lumière réfléchie fin d’intervention, Anne Maigret

– dug2462, lumière réfléchie en cours d’intervention, Gérard Dufrêne

– clt4846, lumière réfléchie en cours d’intervention, Thomas Clot

– laj1032, lumière réfléchie en cours d’intervention, Jean-Yves Lacôte

– laj1033, lumière réfléchie en cours d’intervention, Jean-Yves Lacôte

– CLL685, lumière réfléchie, étude, Laurence Clivet

– CLL686, lumière infrarouge, niveaux de gris, Laurence Clivet

– CLL687, lumière infrarouge fausses couleurs, Laurence Clivet

– CLL688, lumière rasante droite, couleurs, Laurence Clivet

– CLL689, fluorescence UV, couleurs, Laurence Clivet

– CLL690, revers, lumière réfléchie, Laurence Clivet

– rx12714, radiographie rayons X, Gérard de Puniet de Parry (non numérisée)