La Ferme
1750
Titre | La Ferme |
Lieu de conservation | Paris, Musée du Louvre (Inv 7044) |
Datation | 1750 |
Signature | En bas à droite « JB Oudry/Peintre ordinaire du Roy/1750 » |
Dimensions | 130 x 212 cm |
État conservation support | Rentoilé |
Couleur de la préparation | |
Nature liant couche picturale | |
Nombre d’interventions /
restaurations recensées |
Au moins 9 |
Analyses physico-chimiques | non |
Photographies disponibles | Cinq photographies en lumière réfléchie.
Quatre diapositives numérisées. Une photographie en lumière rasante. Une photographie sous infrarouge. Une photographie en fluorescence ultra-violette. Une radiographie non numérisée. |
Contexte commande
La Ferme est commandée en 1750 par le Dauphin pour son cabinet à Versailles. Un premier versement de 2000 livres est effectué le 20 mars 1751. Le paiement intégral est réalisé le 30 juillet 1753 (3000 livres auxquels s’ajoutent 1000 de gratification) (Engerand, 1900, p. 357). L’idée du sujet aurait été donnée à Oudry par le Dauphin. La toile est exposée au Salon de 1751. Tour à tour intitulé L’Agriculture, puis La France, le tableau est désigné dans le livret du Salon comme « Un tableau dans le genre Flamand, n° 16 ».
Description iconographique et œuvres en lien
Se proposant de traité le thème du travail agricole, Oudry représente une cour de ferme. Le centre du tableau est occupé par le corps de bâtiment, tandis que vaches, moutons, brebis se pressent autour d’une mare à l’avant-plan. Des canards s’ébattent, effrayés par un chien. Plusieurs groupes de personnages s’affairent : une jeune paysanne puise de l’eau à droite, deux hommes stockent du fourrage dans un grenier à foin, une fileuse converse avec une femme et un enfant. À l’arrière-plan, plusieurs hommes travaillent dans les champs. Au loin, un paysage vallonné s’esquisse, agrémenté d’une rivière, d’un pont et d’un clocher. À plusieurs reprises, la Ferme est considérée comme exemplaire du style d’Oudry paysagiste, se détachant des pastorales idylliques et galantes de Boucher, et valorisant le travail agricole (Locquin, 1908, p. 373-376 ; Salmon, 2015-2016, p. 59). Malgré une volonté de traduire la vie rurale, la tonalité de l’œuvre demeure bucolique et offre une illustration fantasmée des bonheurs de la campagne. Dix ans plus tôt, Oudry avait peint une scène au sujet similaire, intitulée La rentrée du troupeau (1740, huile sur toile, 113 x 148 cm, Nantes, Musée d’Arts, Inv. 673), dans laquelle il privilégie la description de la réalité rurale sur l’évocation idéalisée : dans une atmosphère crépusculaire, une bergère conduit son troupeau vers un enclos situé au pied d’une vieille masure. Toutefois, la signification anecdotique de la Ferme et la profusion de saynètes s’expliquent par la destination de l’œuvre. Peinte pour le Dauphin, elle doit flatter la vision que ce dernier peut avoir de la vie rustique et privilégier un discours moralisateur.
Œuvres en rapport : Il existe une version gravée de La Ferme par Jean-Baptiste Huet fils (sans date), ainsi qu’une étude dessinée au Kunsthaus de Zürich (1750, 22,4 x 37,3 cm, Inv. 1944/12). Par ailleurs, le tableau d’Oudry fut copié par la reine Marie Leszczynska en 1753, pour l’offrir en étrennes à Louis XV en 1754. Le tableau fait partie des collections du musée des châteaux de Versailles et de Trianon (MV7137).
Parcours patrimonial
Documenté à partir du dossier d’œuvre du Musée du Louvre INV 7044
Jusqu’en 1760, l’œuvre se trouve à Versailles puis à Paris, dans les collections royales. En 1826, elle est envoyée à Versailles. Entre 1832 et 1837, elle se trouve au Palais royal de Compiègne. En 1848, elle est exposée pour la première fois au Louvre après la réorganisation de 1848. Du 29 juin 1929 au 8 octobre, elle est exposée à Amsterdam. Entre 1946 et 1956, La Ferme est présentée dans les salles du Louvre. En 1967, elle aurait été exposée à Londres.
Entre le 1er octobre 1982 et le 3 janvier 1983, elle apparaît dans la rétrospective « J.-B. Oudry, 1686-1755 » aux Galeries nationales du Grand Palais à Paris. Onze en plus tard, en 1994, elle participe à l’exposition Paysages, Paysans : l’art et la terre en Europe du Moyen-Age au xxe siècle, organisée à Paris. En 2015-2016, La Ferme est présentée dans l’exposition « Dansez. Embrassez qui vous voudrez. Fêtes et plaisirs d’amour au siècle de Madame de Pompadour » à Louvre-Lens.
Constat d’état de conservation
Examen technologique
La première restauration connue date de 1825-1826. Le fichier de dépouillement « Munich » sur la restauration des peintures conserve une fiche indiquant : « Une ferme/ pour les châteaux/ restauré par Mr et Mme Maillot ». La rétribution serait intervenue le 15 janvier 1826 (Archives nationales 20150164/23). Nicolas Sébastien Germain Maillot (1781-1857) et Marie Madeleine Émilie Maillot, née Carlier (1798-1836), apparaissent à de nombreuses reprises dans les archives du Louvre. Ils auraient traité plus de 9000 tableaux du musée royal et travaillent également pour le château de Versailles (Nathalie Volle, Dictionnaire historique des restaurateurs). Ils réalisent des opérations de prévention et de restauration sur les couches picturales. Leur intervention sur La Ferme en 1825 coïncide avec l’envoi de l’œuvre à Versailles en 1826.
Dix ans plus tard, en 1836, Jean Abraham Landry (?-1849) reprend la tension du support toile par l’ajout de bandes de tension (« Vue d’une ferme/ Landry a fourni des bandes, détendre et retendre » – comptabilité 1836 II Septembre). Comme les Maillot, Landry travaille régulièrement pour le Louvre et le château de Versailles (1830-1840).
La fiche de santé de la Ferme, ouverte au milieu du XXe siècle au Louvre, fait état quant à elle de plusieurs restaurations au cours de la seconde moitié du XXe siècle.
En novembre 1937, Jean Gabriel Goulinat (1883-1972), alors chef de l’atelier de restauration des peintures du Louvre, signale que l’ancienne restauration de la déchirure dans le ciel devrait être reprise. On ne sait cependant si l’opération est entreprise.
En octobre 1956, la Ferme est amenée à l’atelier du Louvre afin d’améliorer la lisibilité de la composition perturbée par un vernis irrégulier et deux repeints importants très anciens dans le ciel, sans doute ceux déjà signalés par Goulinat. Le restaurateur procède alors à la régénération du vernis. Deux ans plus tard, le tableau est bichonné après son dépoussiérage.
Entre février et mai 1960, le tableau est à nouveau bichonné. Pierre ou François Michel procède à un nettoyage superficiel, recouvre les repeints les plus visibles et vernit le tableau. Ce dernier suggère cependant qu’une intervention fondamentale soit programmée afin de retirer les anciens repeints et procéder à un travail de réintégration important (« prévoir une importante restauration, principalement dans le ciel et les arbres »).
En aout 1963, Yves Chudeau (1901-1986), restaurateur de couche picturale qui intervient fréquemment pour de petites interventions de support, résorbe des cloques dans l’angle inférieur senestre et réintègre quelques manques le long des bordures et à l’endroit du cloquage.
Au retour du tableau d’une exposition londonienne, la commission de restauration observe le 31 octobre 1968 que la toile est détendue, l’adhérence de la couche picturale qui se soulève par endroits est médiocre et enfin des repeints sont visibles dans le ciel. Une opération de consolidation devrait être envisagée. Aucune restauration ne semble avoir été entreprise cependant.
Il apparaît qu’en mai 1978, la commission donne son accord pour un rentoilage et une restauration fondamentale de la couche picturale consistant en un allègement du vernis et l’enlèvement des repeints, préalable aux opérations de réintégration. La restauration est conduite en trois temps et confiée à Ryzow. À l’été 1978, le restaurateur procède à la première partie de l’intervention fondamentale sur la couche picturale. Ryzow purifie la couche picturale et procède à d’infimes refixages. Il enlève des « repeints et mastics localisés, débordants, situés essentiellement dans le ciel et dans les angles. Cet enlèvement de repeints avant l’allègement du vernis permet de ne pas mêler de repeints au vernis lors du véhiculage du vernis ancien ». Le vernis jauni est allégé avec un mélange de xylène (90%) et de diacétone alcool (10%) qui imprègne un tampon de coton. Le restaurateur note dans son rapport que les « soulèvements étaient en fait essentiellement relatifs aux restaurations anciennes. L’adhérence de la couche picturale au support est donc généralement bonne ».
En décembre 1978, une fois la couche picturale purifiée, la commission de restauration observe qu’un rentoilage n’est plus nécessaire car la surface est suffisamment plane autour de la grande déchirure et les soulèvements sont très localisés. Il suffit de « refixer localement dans la verdure, à dextre et dans le bas ». Des clefs sont replacées sur le châssis. Entre juin 1978 et mai 1981, Ryzow réalise la fin de l’intervention fondamentale sur la couche picturale. Il procède à une retouche illusionniste avec des couleurs au vernis Maïmeri. Le vernis final est localement repris par pulvérisation de vernis à retoucher.
En mai 1985, Odile Cortet, restauratrice de couche picturale, sollicitée pour évaluer le tableau prêté pour l’exposition La France et la Russie au siècle des Lumières, observe que le tableau rentoilé présente quelques boursouflures. En effet, les toiles se décollent à plusieurs endroits. Toutefois l’adhérence générale est bonne. Un bichonnage suffirait à le rendre présentable ; il s’agirait d’essayer de résorber les boursouflures et retoucher une griffure située au-dessus de la tête de la femme puisant de l’eau.
En novembre 1988, La Ferme est à nouveau dépoussiérée.
La dernière restauration intervient entre fin 2013 et début 2014. Les interventions sur le support sont confiées à Jean-Pascal Viala et à Anne Lepage pour la couche picturale. Jean-Pascal Viala note plusieurs cloques, notamment celle mentionnée par Odile Cortet, et des soulèvements de couche picturale. Il procède alors à la remise dans le plan des soulèvements par injection de colle d’esturgeon à 5% dans l’eau et pression avec une spatule. L’opération sur la couche picturale se limite à un décrassage à la salive artificielle, à un revernissage au tampon avec un vernis à retoucher cétonique Talens©. Quelques lacunes sont comblées avec du Modostucco© puis réintégrées avec des couleurs Maimeri©, série Restauro.
Fichier de dépouillement sur la restauration des peintures « Munich » 1974-1978, Archives nationales 20150164/23
Paysages, Paysans : l’art et la terre en Europe du Moyen-Age au xxe siècle, organisée à Paris, BnF, Éditions de la Réunion des musées nationaux, 1994, n° 150, p. 174-175 et 89.
J.-B. Oudry, 1686-1755, Paris, Galeries nationales du Grand Palais, 1er octobre 1982-3 janvier 1983, Kansas City, Philadelphie, n° 144, p. 252-254
Dansez. Embrassez qui vous voudrez. Fêtes et plaisirs d’amour au siècle de Madame de Pompadour, Louvre-Lens, 5 décembre 2015-29 février 2016, n° 112, p. 188.
La France et la Russie au siècle des Lumières : relations culturelles et artistiques de la France et de la Russie au XVIIIe siècle : Galeries nationales du Grand Palais, 20 novembre 1986-9 février 1987 / [exposition organisée par l’Association française d’action artistique], Association française d’action artistique, Paris, 1986
Fichier C2RMF : F4366/P3533
– Rapport de restauration fondamentale par M. Ryzow (Juill-août 1978/Juin 1979-mai 1981), n° P3533.
– Rapport d’intervention couche picturale d’Anne Lepage (2013-2014), n° 30062.
– Rapport d’intervention support Jean-Pascal Viala (2013-2014), n° 30310.
Documentation photographique
– dv13052, diapo couleurs après intervention (1981)
– dv12340, diapo couleurs en cours d’intervention après masticage (novembre 1980)
– dv12341, diapo couleurs, détail ciel à senestre, en cours d’intervention (novembre 1980)
– dv12342, diapo couleurs, détail arbres à dextre, en cours d’intervention (novembre 1980)
– 29703, lumière réfléchie n&b, étude (juin 1978)
– 29704, infrarouge n&b (juin 1978)
– 29705, lumière rasante droite n&b (juin 1978)
– 29706, lumière rasante droite n&b (juin 1978)
– 29707, fluorescence UV n&b (juin 1978)
– 29708, revers, lumière réfléchie n&b (juin 1978)
– 29709, lumière réfléchie, détail signature n&b (juin 1978)
– rx3277, radiographie rayons X (non numérisée)