CAS D’ÉTUDE

L’Automne

1749

Titre L’Automne
Lieu de conservation Versailles, Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon (MV7360)
Datation 1749
Signature Quart inférieur senestre “JB. Oudry 17?”
Dimensions 92 x 80 cm
État conservation support Toile originale marouflée sur latté (support en contreplaqué (1,5 cm ; 4 plis))
Couleur de la préparation Double préparation observée sur coupe stratigraphique:

Sous couche ton rouge, couche supérieure ton beige

Nature liant couche picturale Huileuse
Nombre d’interventions /

restaurations recensées

Au moins 6
Analyses physico-chimiques Analyse MFX automne 2017

Coupes stratigraphiques et analyses physico-chimiques 2018-19

Photographies disponibles 10 photographies lumière du jour

1 photographie en lumière rasante, droite

1 photographie sous fluorescence UV, couleur

2 photographies sous lumière infrarouge dont 1 fausse couleur et 1 en niveau de gris

1 radiographie (numérisée)

Contexte commande

 

L’Automne fait partie d’un ensemble de quatre tableaux sur le thème des quatre saisons. Commandés en 1747 pour le cabinet de retraite de la Dauphine Marie-Josèphe de Saxe, les tableaux sont livrés le 5 juin 1749 et sont payés 1600 livres (Engerand, 1900, p. 358).

 

Description iconographique et œuvres en lien

Dans les quatre tableaux, les changements saisonniers sont illustrés par le travail des champs. L’Automne est le temps des vendanges : à l’avant-plan, trois personnages transportent des corbeilles remplies de raisin, prêtes à être déversées dans une cuve. Plus loin, d’autres figures rapidement esquissées se distinguent au milieu des pieds de vigne. Le tableau se caractérise par l’usage de tons chauds : orangés pour le feuillage de l’arbre et rosés pour le ciel. De cette manière, le peintre a suggéré la douceur d’une fin de journée d’automne. En outre, si les sujets des œuvres demeurent traditionnels, la vision du travail de la terre donnée par Oudry est plus originale. Les paysages qu’il produit pour Versailles à cette période – les Quatre saisons, mais aussi La Ferme (Musée du Louvre, INV 7044) – reflètent une nouvelle approche du monde paysan, qui valorise le travail agricole sans céder à des représentations idylliques et idéalisées. La culture de la terre est alors considérée comme une source de prospérité. Les œuvres d’Oudry annoncent le courant de glorification de la vie rurale. Elles précèdent d’une dizaine d’années l’Émile de Rousseau, dans lequel le philosophe clame que « l’agriculture est le premier métier de l’homme : c’est le plus honnête, le plus utile, et par conséquent le plus noble qu’il puisse exercer » (Livre II) et d’une vingtaine d’années la gravure de Boizot montrant le Dauphin traçant un sillon (François-Marie-Antoine Boizot, Monseigneur le dauphin labourant, gravure en manière de lavis, vers 1769, 38 x 54,5 cm, Paris, Bibliothèque nationale de France).

 

Parcours patrimonial

 

Documenté à partir du dossier d’œuvre du musée national du château de Versailles MV 7359 et du musée du Louvre INV 7059.

 

Au cours de leur histoire, les quatre toiles ont souvent été séparées, appréhendées comme des paysages indépendants les uns des autres. Elles ont connu des lieux de conservation et d’exposition différents, ainsi que plusieurs interventions de restauration qui explique l’état de conservation de l’Automne en 2017. L’Été et l’Automne disposent d’une histoire matérielle assez proche.

Au début des années 1820, les Quatre saisons se trouvent encore à Versailles, dans le Petit cabinet de Monsieur, comte d’Artois, frère de Louis XVIII. L’Automne rejoint le Grand Trianon en 1835 et est installé dans le Salon du Déjeûn. Il demeure dès lors à Trianon, même s’il est déplacé à plusieurs reprises au cours du XIXe et du XXe siècle. Il apparaît par exemple dans les petits appartements sous le règne de Louis-Philippe. En 1966, le tableau est réaccroché dans le Salon du Déjeûn au Grand Trianon. En 1985, les Quatre saisons sont à nouveau intégrées comme dessus-de-porte dans les appartements des enfants de Louis XV à Versailles.

 

Constat d’état de conservation

 

Le constat d’état de L’Automne a été rédigé par Claire Betelu suite à l’observation du tableau en novembre 2017 alors en cours de restauration. Alix Laveau a réalisé le traitement fondamental sur la couche picturale.

Lors de notre examen, le tableau présente un format modifié et agrandi. Sa forme originale devait présenter un cercle de 76 cm de diamètre. Aujourd’hui, la toile qui constitue son support original est collé sur un panneau en contreplaqué 4 plis, de 1,5 cm d’épaisseur.

La couche picturale est fortement altérée par les traitements antérieurs de restauration et les conditions de conservation des œuvres. Le repassage de la toile pour son collage sur un nouveau subjectile a conduit à l’écrasement des empâtements du film peint. Le traitement du contraste entre les figures et la végétation, rendu par la couleur et la touche, apparaît peu lisible notamment dans les arrière-plans. Il n’y a toutefois pas de manque important.

On note par ailleurs un réseau de craquelures prématurées concentrées sur le tablier de la figure féminine au premier plan. Le ton rouge de la robe transparaît au travers du réseau de craquelure localisé dans le tablier. Cette altération est caractéristique d’un défaut de mise en œuvre. Le ton sous-jacent était semble-t-il trop gras ou trop frais pour recevoir la couleur grise qui n’a pu adhérer convenablement à son substrat.

 

Examen technologique

 

L’état de conservation rend difficile la lecture de la facture et de la touche.

Une double préparation (rouge-beige) couvre la surface de la toile.

Le ciel offre des modulations orangées. Son caractère lumineux s’explique sans doute par l’ajout aux pigments bleu et blanc des pigments orange, interprétés comme de l’orpiment ou du réalgar et du rouge vermillon en faible proportion. Malgré leur toxicité reconnue, le réalgar ou l’orpiment restent prisés au XVIIIe siècle. Les verts des feuillages présentent quant à eux un mélange de pigments à base de terre verte modulée de blanc de plomb, de pigments aux tonalités chaudes (réalgar ou orpiment et de jaune de Naples). L’état actuel de l’œuvre, fortement modifié par les campagnes de restauration antérieures, ne permet pas une appréciation juste des tons.

Contrairement à celles des pendants, les figures, ici au premier plan, sont traitées en plein. Les ombres et lumières sont modulées dans la matière colorée et agrémentées de rehauts lumineux en pleine pâte. Le même ton est ainsi décliné en trois valeurs : brune pour les ombres, saturée pour l’intermédiaire, claire pour les lumières. Quant à la figure de la jeune femme au premier plan, sa présence est soulignée par la superposition de touches jaune et orange au sol et de tons verts intenses autour du visage, touches qui cernent le personnage.

La première restauration connue date de juin et juillet 1821. Les Quatre saisons font partie des six tableaux figurant dans le mémoire de Féréol de Bonnemaison : « [On a] déverni tous les six, il y en avait deux de chancis à fond, reverni deux des dits tableaux et mixtionné tous les six à la fois » (Arch. Nat., O3 1407). Le nettoyage est confié à Fasmanne (A.M.N., V16 1821, 8 juin). Archives citées par Sandrine Gachenot, 2001.

En 1937, la couche picturale du tableau est nettoyée par M. Dillet.

En 1963, M. Paulet constate des taches de vernis, le gonflement de la matière par des nœuds décollés. Il propose le dévernissage et revernissage du tableau ainsi que la suppression de l’encadrement.

En 1965, M. Paul Maridat découpe la peinture dans une forme circulaire, d’un diamètre de 76 cm. Il colle le support original en toile sur un latté, panneau en contre-plaqué avec une épaisseur de 1.5 cm et 4 plis.

En 1976, le tableau est remis à une dimension ovale (92 x 80 cm), actuellement conservée.

En 2017-2018, le tableau fait l’objet d’une restauration fondamentale pour la couche picturale réalisée par Virginie Trotignon. L’opération est conduite dans les ateliers du C2RMF.

Arch. Nat., O3 1407

A.M.N., V16 1821, 8 juin

 

Fichier C2RMF 76377 

Rapport d’intervention de restauration sur la couche picturale d’Alix Laveau (n° 36169).

Rapport de laboratoire de Johanna Salvant (n° 38951).

 

Imageries scientifiques disponible

– clt14185, lumière réfléchie après intervention, Thomas Clot

– clt14186, lumière réfléchie après intervention, Thomas Clot

– clt13592, lumière réfléchie en cours d’intervention, Thomas Clot

– clt13593, lumière réfléchie en cours d’intervention, Thomas Clot

– clt12220, lumière réfléchie en cours d’intervention, Thomas Clot

– clt12221, lumière réfléchie en cours d’intervention, Thomas Clot

– clt11729, lumière réfléchie en cours d’intervention, Thomas Clot

– clt11730, lumière réfléchie en cours d’intervention, Thomas Clot

– SAP681, revers, lumière réfléchie, Philippe Salinson

– SAP682, fluorescence UV couleurs, Philippe Salinson

– SAP683, lumière rasante droite, couleurs, Philippe Salinson

– SAP684, lumière réfléchie, étude, Philippe Salinson

– SAP685, lumière infrarouge, niveaux de gris, Philippe Salinson

– SAP686, lumière infrarouge fausses couleurs, Philippe Salinson

– rx13103, radiographie rayons X, Philippe Salinson