CAS D’ÉTUDE

Le Toucher

1749

Titre Le Toucher
Lieu de conservation Versailles, Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon (MV 6223)
Datation 1749
Signature Quart inférieur dextre : « JB. Oudry 1749 »
Dimensions 144.5 x 78 cm
État conservation support Rentoilé
Couleur de la préparation Rouge-brun
Nature liant couche picturale Huileuse
Nombre d’interventions /

restaurations recensées

Au moins 3
Analyses physico-chimiques non
Photographies disponibles Dix photographies en lumière réfléchie.

Une photographie en lumière rasante.

Deux photographies sous infrarouge dont une fausse couleur.

Une photographie en fluorescence ultra-violette.

Une radiographie non numérisée.

Contexte commande

 

Le Toucher fait partie d’un ensemble de cinq tableaux traitant des cinq sens. Le cycle est exécuté en 1749 pour le cabinet intérieur des appartements de la reine Marie Leszczynska. La commande est payée 2500 livres (Engerand, 1900, p. 360). A l’origine, ils sont encastrés dans la boiserie de la pièce et se présentent chantournés (146 (ou 149) x 79 cm).

 

Description iconographique et œuvres en lien

 

Peints pour décorer une pièce sans fenêtre, les paysages des Cinq sens se démarquent par leur luminosité et par la clarté des couleurs employées. Chaque panneau décline un large ciel clair, animé par un cours d’eau et par des arbres. Les arrière-plans et les actions des personnages varient selon le sujet traité. Dans Le Toucher, le paysage met en scène une rivière, traversée par un pont, une succession de prairies vallonnées ainsi qu’un château en ruine se dessinant au dernier plan de l’image. Deux paysannes traient leurs vaches, tandis qu’un jeune garçon, armé d’un fouet, tente de faire avancer un âne récalcitrant et freinant des quatre fers. Ce groupe de personnage ajoute une note cocasse à la composition et apparaît à plusieurs reprises dans les paysages d’Oudry : il est reproduit quasiment à l’identique dans l’Hiver, tableau contemporain du Toucher (1749, huile sur toile, 106 x 140 cm, Versailles, Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, MV8514) [voir notice]. Le choix de peindre des figures de petite taille au sein de paysages lumineux s’explique par les conditions particulières de la commande. Dans un premier temps, sur le conseil de Coypel, elle est confiée à Jean-Baptiste-Marie Pierre (Engerand, 1900, p. 395-396). En mars 1749, Lenormant de Tournehem, le Directeur des Bâtiments du Roi, informe Pierre des exigences de la Reine : quatre tableaux devront traiter des quatre saisons et le dernier figurera une veillée au village. Dès le mois de mai de la même année, les cinq tableaux prennent place dans le cabinet, mais sont enlevés six mois plus tard, Marie Leszczynska jugeant les figures trop fortes pour un lieu aux dimensions si réduites. (Les Quatre saisons de Pierre se trouvent aujourd’hui à Fontainebleau, Inv. F. 2005.1-4. La Veillée au village est considérée comme disparue). C’est alors qu’Oudry hérite de la commande et réalise l’ensemble des cinq panneaux sur le thème des cinq sens, qui sont achevés dès la fin du mois de novembre 1749.

 

Parcours patrimonial

 

Documenté à partir du dossier d’œuvre du musée national du château de Versailles MV 6223.

NB : Même si nous ne disposons de peu d’informations sur les restaurations et interventions passées et antérieures au XXe siècle, il est possible de retracer le parcours des œuvres. Il est intéressant de noter que les cinq panneaux ont été conservés ensemble et partagent en grande partie la même histoire matérielle.

L’ensemble est probablement retiré de la pièce lorsque Marie-Antoinette en modifie le décor.

Les cinq tableaux sont mentionnés en 1784 en réserve dans les magasins de la surintendance à Versailles (Louis Durameau, Inventaire des tableaux du Cabinet du Roi, placés à la Sur-Intendance des Batimens de Sa Majesté à Versailles, fait en l’année 1784 par l’ordre de Monsieur Le Comte d’Angiviller […], Tome second, BCMN MS 31, p. 12). Au XIXe siècle, ils sont localisés à la Manufacture de tapisseries de Beauvais dans l’inventaire Frédéric Villot. Vraisemblablement, ils servent de cartons pour des feuilles de paravent et sont modifiés afin d’être mis au rectangle. Au début du XXe siècle, les tableaux sont localisés dans les mansardes de la Manufacture de tapisseries de Beauvais.

Dans une lettre du 18 mars 1935, la direction du Musée de Versailles marque son intention de replacer les Cinq sens dans les cabinets de Marie Leszczynska, avec la copie de la Ferme. Le 21 novembre 1935, le Comité de la Manufacture des Tapisseries de Beauvais confirme l’envoi et le dépôt du cycle à Versailles. En 1936, ils sont enfin accrochés dans le petit salon de repos de Marie-Antoinette, à côté de la Ferme de Marie Leszczynska (copie d’après Oudry). (La Revue de l’Art ancien et moderne, dir. André Dezarrois, Paris, 3e période, t. LXX, n° 372, juillet 1936, p. 115)

En 1959, la fiche de santé les localise dans les petits appartements de la reine, dans la Chambre des Bains.

En 1987, ils sont placés en réserves.

En 2011, les cinq panneaux sont présentés dans l’exposition « Parler à l’âme et au cœur. La peinture selon Marie Leszczynska »  au château de Fontainebleau [château de Fontainebleau, 18 juin-19 septembre 2011 (n° 7 à 11)]. En 2013-2014, les Cinq sens sont exposés à Varsovie lors de l’exposition « Le Versailles de Marie Leszczynska. L’art à la cour de France au XVIIIe siècle » [château royal de Varsovie, 20 septembre 2013-5 janvier 2014 (n° 86 à 90)].

 

Constat d’état de conservation

 

L’état de présentation général du Toucher est plutôt bon.

Le support original est rentoilé à la colle de pâte. D’après la restauratrice Laudet-Kraft, cette opération serait concomitante d’un changement de format. On note également la présence d’anciennes déchirures aujourd’hui consolidées dans le quart inférieur senestre.

Au niveau de la couche picturale, des usures apparaissent dans les ombres en partie inférieure ainsi qu’un chanci dans le feuillage à senestre.  Selon Laudet-Kraft, l’action combinée de la chaleur et de l’humidité mises en œuvre lors du rentoilage pourrait être à l’origine de cette microfissuration du film peint par ailleurs fragilisé par les nettoyages antérieurs. Enfin, la trame de la toile originale marque fortement la couche picturale (résultat de la relaxation et de l’écrasement du film peint au moment du rentoilage).

Seules quelques lacunes de couche picturale sont à noter. Par le passé, certaines écailles de peinture ont été collées, déplacées, sur la couche picturale dans la partie inférieure et les feuillages. Un réseau de craquelures d’âge couvre l’ensemble de la composition. Des craquelures d’angle, formées sous l’action du mouvement de la toile, apparaissent également dans les angles supérieurs.

 

Examen technologique

 

À ce jour, les informations présentées reposent sur l’exploitation exclusive des rapports de restauration. Une phase d’étude du cycle des Cinq Sens est programmée.

Le Toucher est peint sur un support toile dont la nature reste à définir.

Le format rectangulaire n’est pas original. L’observation des radiographies et l’étude des rapports de traitement indiquent que le bord supérieur se présentait chantourné, le bord inférieur cintré et les angles inférieurs coupés en biais. Il reste cependant difficile d’établir une diachronie de ces formes de présentation.

Les sources écrites rendent compte de deux interventions fondamentales sur le support toile du Toucher. D’après le dossier d’œuvre, au cours du XIXe siècle, lorsque les tableaux se trouvent encore à Beauvais, les cinq panneaux auraient été agrandis et mis au rectangle (inventaire Villot). Ce changement de format occasionne des repeints. Un second rentoilage serait intervenu au début du XXe siècle d’après le catalogue de la rétrospective Oudry; l’auteur ne précise cependant pas sa source (Opperman H. et Rosenberg P., 1982, p. 249).

 

Par ailleurs, les informations récoltées dans les dossiers de restauration complète ce premier constat. L’examen de la couche picturale par Laudet-Kraft lors du nettoyage a révélé trois campagnes de repeints (dont on n’a pu définir la date). La plus ancienne, en contact avec la couche picturale, de couleur grise, avait pour but, semble-t-il, d’intégrer les parties ajoutées pour la transformation en rectangle. Cette opération serait donc à rapprocher de la campagne Villot signalée précédemment.

 

Une seconde série de repeints couvrait cette première intervention. Leur mise en solution à l’aide d’un mélange (iso-octane / ammoniac / eau) indique un liant majoritairement huileux.

 

Enfin, des retouches plus localisées couvraient les accidents révélés en 2013. Leur solubilisation par un mélange (méthyl-cétone / eau) révèle un liant acrylique qui situerait l’intervention dans la seconde moitié du XXe siècle. Les traces de vernis sous-jacent à ces retouches témoignent de campagnes de nettoyages irréguliers, antérieures, mais dont le nombre n’a pu être précisé.

 

Enfin, en 2013, Jean-Pascal Viala a rétabli l’adhérence des bords de toile originaux en contact avec les incrustations d’angles. Marie-Ange Laudet-Kraft est quant à elle intervenue sur la couche picturale, procédant à l’allègement des vernis, au comblement des lacunes et à leur réintégration colorée.

Louis Durameau, Inventaire des tableaux du Cabinet du Roi, placés à la Sur-Intendance des Batimens de Sa Majesté à Versailles, fait en l’année 1784 par l’ordre de Monsieur Le Comte d’Angiviller […], Tome second, BCMN MS 31. http://bibliotheque-numerique.inha.fr/idurl/1/7149 [consulté le 17 janvier 2019].

 

Fichier C2RMF 72183

Rapport d’intervention de restauration

– sur le support de Jean-Pascal Viala (n° 27240)

– sur la couche picturale de Marie-Ange Laudet-Kraft (n° 29385).

 

Imagerie scientifique

– laj1277, lumière réfléchie après intervention, Jean-Yves Lacôte

– MAA1859, lumière réfléchie fin d’intervention, Anne Maigret

– MAA1860, lumière réfléchie en cours d’intervention, Anne Maigret

– dug2464, lumière réfléchie en cours d’intervention, Gérard Dufrêne

– clt4844, lumière réfléchie en cours d’intervention, Thomas Clot

– laj1036, lumière réfléchie en cours d’intervention, Jean-Yves Lacôte

– laj1037, lumière réfléchie en cours d’intervention, Jean-Yves Lacôte

– CLL502, lumière réfléchie, étude, Laurence Clivet

– CLL503, lumière infrarouge, niveaux de gris, Laurence Clivet

– CLL504, lumière infrarouge fausses couleurs, Laurence Clivet

– CLL505, lumière rasante droite, couleurs, Laurence Clivet

– CLL506, fluorescence UV, couleurs, Laurence Clivet

– CLL507, revers, lumière réfléchie, Laurence Clivet

– CLL508, lumière réfléchie, détail, Laurence Clivet

– rx12710, radiographie rayons X, Gérard de Puniet de Parry (non numérisée)