CAS D’ÉTUDE

Le Printemps

1749

Titre Le Printemps
Lieu de conservation Versailles, Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon (MV 8538)
Datation 1749
Signature non
Dimensions Format actuel ovoïde : 98 x 135 cm

Format original ovoïde évalué: 106 x 140 cm.

État conservation support Toile originale rentoilée sur toile de lin; mise en tension sur châssis à clés.
Couleur de la préparation Double préparation observée sur coupe stratigraphique:

Couche inférieure rouge ; couche supérieure ocre jaune.

Nature liant couche picturale Huileuse
Nombre d’interventions /

restaurations recensées

Au moins 3
Analyses physico-chimiques Micro Fluorescence X (2017)

Analyses coupes stratigraphiques (2018)

Photographies disponibles 11 photographies en lumière réfléchie

2 photographies en lumière infrarouge, dont 1 photographie fausses couleurs

1 photographie sous fluorescence UV couleur

1 radiographie rayons X (numérisée)

Contexte commande

 

Le Printemps fait partie d’un ensemble de quatre tableaux sur le thème des quatre saisons. Commandés en 1747 pour le cabinet de retraite de la Dauphine Marie-Josèphe de Saxe, les tableaux sont livrés le 5 juin 1749 et sont payés 1600 livres (Engerand, 1900, p. 358).

 

Description iconographique et œuvres en lien

 

Dans les quatre tableaux, les changements saisonniers sont illustrés par le travail des champs : le printemps est alors figuré par une scène de labour, avec un paysan traçant un sillon. La suggestion d’une nature renaissante passe par la représentation d’une profusion de fleurs et d’oiseaux. Des quatre tableaux, le Printemps est sans conteste le plus détaillé et le plus pittoresque. La bâtisse en toit de chaume de laquelle s’envole un groupe de pigeons, les deux personnages plantant un arbre surmonté d’une couronne de fleurs, le berger et ses moutons pâturant à l’arrière-plan, ou encore le village esquissé au pied de la montagne sont autant d’éléments qui participent au charme de la scène. Si les sujets des quatre œuvres demeurent traditionnels, la vision du travail de la terre donnée par Oudry est plus originale. Les paysages qu’il peint pour Versailles à cette période – les Quatre saisons, mais aussi La Ferme (Musée du Louvre, INV 7044) – reflètent une nouvelle approche du monde paysan, qui valorise le travail agricole sans céder à des représentations idylliques et idéalisées. La culture de la terre est alors considérée comme une source de prospérité. Les œuvres d’Oudry annoncent le courant de glorification de la vie rurale et de ses travaux. Celles-ci précèdent d’une dizaine d’années l’Émile de Rousseau, dans lequel le philosophe clame que « l’agriculture est le premier métier de l’homme : c’est le plus honnête, le plus utile, et par conséquent le plus noble qu’il puisse exercer » (Livre II) et d’une vingtaine d’années la gravure de Boizot montrant le Dauphin traçant un sillon (François-Marie-Antoine Boizot, Monseigneur le dauphin labourant, gravure en manière de lavis, vers 1769, 38 x 54,5 cm, Paris, Bibliothèque nationale de France).

 

Parcours patrimonial

 

Documenté à partir du dossier d’œuvre du musée national du château de Versailles MV 8538 et du musée du Louvre INV 7051.

 

Au cours de leur histoire, les quatre toiles ont souvent été séparées, appréhendées comme des paysages indépendants les uns des autres. Elles ont connu des lieux de conservation et d’exposition différentes, ainsi que de nombreuses interventions de restauration. Au début des années 1820, les Quatre saisons se trouvaient encore à Versailles, dans le Petit cabinet de Monsieur (comte d’Artois, frère de Louis XVIII). Le Printemps rejoint le Grand Trianon en 1835 et est placé dans le Salon du Déjeûn. Il est ensuite déposé au Louvre, vraisemblablement au milieu du XIXe siècle. Il est notamment mentionné comme présent dans les Magasins du Louvre dans l’inventaire Villot. Un article de Jean Locquin (GBA, 1908, note 2, p. 367) localise le Printemps et l’Hiver au Louvre, dans une salle contigüe au musée de la Marine et communiquant avec le secrétariat. En 1951, le tableau est exposé au Musée d’Amsterdam lors de l’exposition Het franse Landschap van Poussin tot Cézanne (10 mars-4 juin 1951, p. 50). Le 6 janvier 1972, il est prêté pour un an à l’Elysée, présenté dans le bureau d’Henri Domerg. Il entre à Versailles le 12 février 1981. En 1985, les Quatre saisons sont à nouveau intégrées comme dessus de porte dans les appartements des enfants de Louis XV à Versailles.

 

Constat d’état de conservation

 

Le Printemps présente un très bon état général de conservation. Les quelques altérations du support observées se concentrent aux extrémités latérales dextre et senestre. La toile originale est collée sur un support secondaire sans doute en lin. Il s’agit d’un rentoilage à la colle de pâte. Le procédé de restauration, qui suppose l’utilisation de fers de rentoileur, n’a cependant pas écrasé la couche picturale de façon excessive. Enfin, les repeints sont nombreux en périphérie. Plusieurs campagnes se superposent et la plus tardive déborde sur le papier de bordage à dextre.

 

Examen technologique

 

Une préparation double (rouge-beige) couvre la toile. Toutefois, un ton rose transparait dans le ciel notamment dans les zones où la couche picturale apparaît usée. Sous-jacent au bleu du ciel, il est exploité en tant que valeur froide dans les montagnes. La coupe stratigraphique prélevée dans le ciel ne révèle pas d’autre couche rouge que la première couche de préparation. On s’interroge dès lors sur l’effet colorant de cette sous-couche sur la surface.

Au stade de l’exécution picturale, la composition se réduit dans un premier temps à de grands aplats qui forment les fonds (le sol- le corps de ferme, la forêt, le ciel). Le ciel est alors largement brossé. La touche est large et horizontale. La morphologie bosselée du film bleu transparaît sous la végétation sous forme de traits horizontaux. Dans la partie supérieure senestre, le geste est plus large et croisé dans la mesure où le pinceau ne rencontre aucun motif. En partie basse, la touche épouse et redessine le motif de la montagne avec une pâte épaisse. Enfin, les trouées du ciel dans le feuillage interviennent en fin de processus au stade de la retouche. Des petites touches d’un bleu opaque sont posées sur le motif végétal à l’aide d’un petit pinceau souple, bombé, de section circulaire de 3mm.

À dextre, les montagnes sont réalisées sur le bleu du ciel. Le traitement est dynamique, en demi-pâte. Les couleurs, préalablement obtenues sur la palette, sont juxtaposées puis superposées avec une brosse souple d’un demi centimètre de largeur. Le motif du village est quant à lui esquissé au pinceau avec une matière fluide. Trois tons dilués, brun, bleu violacé et vert, qui évoquent les tons présents sur les éléments décoratifs dominant de la composition, traduisent les formes. Une bande de bleu violet constitue le ton de fond du village et la valeur intermédiaire puis les contours sont repris avec des touches brunes et vertes. Enfin, les lumières, d’un ton jaune lavé de blanc, sont rendues avec une matière épaisse, presque sèche, frottée afin de redéfinir le motif.

Les figures dans les fonds sont posées une fois les premières couches sèches. Le troupeau de brebis et le berger sont peints avec un pinceau pointu (2mm).  Deux valeurs de gris forment le motif de brebis. Le corps est obtenu avec un glacis clair laissant transparaître le fond vert pour obtenir un gris puis la valeur claire sert à dessiner les éclats de lumière et le volume. La touche circulaire et libre rend l’aspect dodu des brebis. Le berger est quant à lui travaillé sur un fond bleu vert. La matière picturale est une demi-pâte couvrante. Le vêtement se résume à la juxtaposition des tons de rose : rouge, rose, blanc. La couleur du fond sert de ton sombre.

Au premier plan, la peinture est plus couvrante. Le corps de ferme est peint avec une matière frottée et épaisse. Le motif semble dessiné au stade de la peinture dans la mesure où la touche marque le contour puis meurt à l’intérieur. Un aplat brun en demi-pâte forme le corps du bœuf. Des touches de couleur, épaisse et presque sèche, simulent le pelage. Le contour des pâtes, de la queue et de la tête est ensuite repris avec un cerne brun, saturé et foncé.

Enfin, le modelé des figures de laboureurs est travaillé à l’image de celui du berger. Le fond, le ton ocre du sol, sert de demi-valeur. Le peintre joue du contraste entre un fond fondu et translucide et la qualité opaque et saturée de la matière des vêtements. L’ensemble renforce le contraste suscité par les tons choisis.

La première restauration connue date de juin et juillet 1821. Les Quatre saisons font partie des six tableaux figurant dans le mémoire de Féréol de Bonnemaison : « [On a] déverni tous les six, il y en avait deux de chancis à fond, reverni deux des dits tableaux et mixtionné tous les six à la fois » (Arch. Nat., O3 1407). Le nettoyage est confié à Fasmanne (A.M.N., V16 1821, 8 juin) Archives citées par Sandrine Gachenot, 2001.

 

Les dimensions originales seraient de 106 x 140 cm. Le tableau aurait donc été réduit à une date restée inconnue. Aucune information à ce sujet ne se trouve dans les dossiers d’œuvre.

 

Pour l’année 1980, le dossier d’œuvre du château de Versailles fait état d’une restauration sans doute entreprise pour le nouvel accrochage du tableau, entré dans les collections de Versailles le 12 février 1981.

 

En 2017-2018, le tableau est l’objet d’une restauration fondamentale pour la couche picturale, réalisée par Virginie Trotignont. Le support est repris ponctuellement par Eve Froidevaux et Tiago de Souza Martins. L’ensemble des opérations est conduite dans les ateliers du C2RMF sous la supervision de Claire Gerin-Pierre.

Arch. Nat., O3 1407

A.M.N., V16 1821, 8 juin

 

Fichier C2RMF76375

Rapports d’intervention de restauration

– sur la couche picturale de Virgine Trotignon (n° 36166)

– sur le support d’Eve Froidevaux et Tiago de Souza Martins (n° 38456).

Rapport de laboratoire de Johanna Salvant (n° 38951).

 

Documentation photographique

– clt14181, lumière réfléchie après intervention, Thomas Clot

– clt14182, lumière réfléchie après intervention, Thomas Clot

– clt13590, lumière réfléchie en cours d’intervention, Thomas Clot

– clt13591, lumière réfléchie en cours d’intervention, Thomas Clot

– clt12222, lumière réfléchie en cours d’intervention, Thomas Clot

– clt12223, lumière réfléchie en cours d’intervention, Thomas Clot

– clt12150, lumière réfléchie en cours d’intervention, Thomas Clot

– clt12151, lumière réfléchie en cours d’intervention, Thomas Clot

– clt11727, lumière réfléchie en cours d’intervention, Thomas Clot

– clt11728, lumière réfléchie en cours d’intervention, Thomas Clot

– SAP699, lumière réfléchie, étude, Philippe Salinson

– SAP700, lumière infrarouge, niveaux de gris, Philippe Salinson

– SAP701, lumière infrarouge fausses couleurs, Philippe Salinson

– SAP702, fluorescence UV couleurs, Philippe Salinson

– SAP703, lumière rasante face, Philippe Salinson

– SAP704, revers, lumière réfléchie, Philippe Salinson

– rx13104, radiographie rayons X, Philippe Salinson